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Aides et conseils pour les consommateurs et leur entourage

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Aides et conseils pour les consommateurs de cannabis et leur entourage

Le cannabis, un trafic à l’échelle mondiale

Le cannabis est de loin la drogue la plus consommée au monde. Si sa consommation, en faible quantité, est généralement « tolérée » par les autorités, n’engendrant que des peines mineures (une amende voir dans les cas bénins, une réprimande seulement) sa distribution et son commerce sont prohibés par la loi donc illégaux. A grande échelle ils font appel à des réseaux associés au crime organisé. Acheter du cannabis contribue au développement de ces réseaux.

Qualifiée parfois de drogue douce,  le cannabis est de loin la substance psychotrope illégale la plus consommée et la plus échangée au monde. En 2010, le nombre de consommateurs était estimé entre 119 et 224 millions de personnes -soit 2,6 % à 5 % de la population mondiale âgée entre 15 et 64 ans- une valeur supérieure de 10% à celle observée en 1990. Les experts suggèrent d’ailleurs que, depuis  vingt ans,  la consommation du cannabis  est celle qui a augmenté le plus rapidement devant l’usage de la cocaïne ou des opiacées (l’opium et ses dérivés comme l’héroïne).

Ne nécessitant que peu de soins et s’adaptant à de nombreux climats et environnements différents, que cela soit en milieu extérieur ou en intérieur, le cannabis est facile à cultiver. Après sa récolte, la plante subit peu  de transformations avant de pouvoir être consommée sous forme  de « joint » (les feuilles de marijuana) principalement, de résine (hashish ou « shit ») ou encore d’huile. Toutes ces facilités expliquent qu’une partie du cannabis consommé aujourd’hui est produit localement et en faible quantité –quelques plants- par les individus eux-mêmes. Si le petit producteur  fait bénéficier son entourage de l’excédent de sa production, souvent à titre « gracieux », certains, voyant là une occasion facile de générer une source de revenus complémentaires s’investissent pleinement dans cette activité et deviennent ainsi les premiers maillons d’un trafic lucratif local voir international.

L’achat de rue, partie émergée de l’iceberg

Une façon de décrire le trafic de cannabis est de s’intéresser tout d’abord à sa finalité : l’achat par le consommateur. Comment se procure-t-on du cannabis ?
Dans la rue indubitablement. «  Le deal de rue » est la forme la plus connue et la plus visible du commerce de cannabis : il s’agit le plus souvent de jeunes hommes regroupés en bande, qui vendent des morceaux de « shit » à la sortie du métro, au bas d’un immeuble ou à la terrasse de certains cafés. Le risque pris par le consommateur, tant vis-à-vis de la police que des dealers eux-mêmes qui peuvent le voler à tout moment, réduit ce deal à être la partie émergée de l’iceberg.

A l’abri des regards, il existe un autre marché qui concerne beaucoup plus de consommateurs et qui engage des sommes plus importantes : « le deal d’appartement ». Ce deal fonctionne à partir de réseaux de consommateurs le plus souvent reliés par des liens amicaux qui s’organisent en toute discrétion afin de s’approvisionner en grandes quantités de cannabis et à moindre coût. Personne centrale de ce deal, « l’organisateur de plan » achète les dites quantités à un distributeur ou dealer professionnel dont l’intérêt est avant tout de développer son activité marchande.

Ces distributeurs locaux qui organisent la chaîne de revente,  sont tous reliés à un importateur de drogue ou trafiquant international selon un réseau complexe à plusieurs niveaux  de vente de cannabis. C’est à partir du semi-grossiste que la chaîne de distribution débute pour aboutir au consommateur final.
Entre les deux, on peut comptabiliser jusque trois étapes de commerciaux intermédiaires, chacun cherchant à retirer une marge bénéficiaire pour le service rendu.

Le trafic de cannabis est une entreprise qui rapporte. Du semi-grossiste au  consommateur final (acheteur de 12 ou 25 grammes), le prix du cannabis fluctue considérablement. Celui de la résine de cannabis peut être multiplié par 3, de 1400 €/kg à 4500 €/kg par exemple.

En France, en 2005, entre 700 et 1500 semi-grossistes ont écoulé de 130 à 300 kg de cannabis, générant ainsi un bénéfice brut individuel compris entre 253 000 et 552 000 euros annuel.

Des échanges internationaux

La description fine des réseaux et l’identification de chacun des acteurs impliqués est un travail difficile et de longue haleine pour les services de police. Pour autant, les modes d’importation ainsi que les grands réseaux de trafic de cannabis sont désormais plus ou moins renseignés.

Le cannabis est consommé partout dans le monde, mais son marché se concentre sans surprise [arrow_up] dans les  pays du Nord, ainsi qu’en Australie, où se situent les capitaux les plus importants.
L’Amérique du Nord, où 63% du volume global des saisies par les brigades des stupéfiants ont eu lieu en 2005, est de loin la plus grande consommatrice de marijuana, suivie par l’Afrique (15%), l’Europe ne représentant que 2% des saisies d’herbes de cannabis réalisées cette même année.
La tendance est inverse pour ce qui est de la résine, puisque dans ce cas-là, c’est en Europe qu’on trouve le marché le plus important avec 70% des saisies de haschisch réalisées. Si la résine est plus consommée que la marijuana sur le Vieux continent, les choses seraient peut-être en train de changer, avec une diminution de la consommation de la première au profit de la seconde, effet observé durant la période 2005-2010.

Le succès des méthodes de culture hydroponique qui, permettant de faire pousser les plants à l’intérieur des habitats (cave, appartement), rend cette dernière difficilement localisable, la diffusion et la fragmentation des lieux de culture ou encore le coût prohibitif des moyens d’analyse satellitaire, sont des facteurs qui limitent les connaissances sur les volumes de cannabis produit.
Les experts estiment toutefois qu’aujourd’hui plus de 172 pays sont impliqués dans la production de cannabis. Ils évaluent encore à 42000 tonnes la marijuana produite en 2005 un niveau mondial et à 6600 tonnes, la résine produite cette même année. En 2008, le volume global de cannabis produit aurait été compris entre 13300 et 66100 tonnes.

Les principales zones productrices de marijuana sont l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud (47% de la production mondiale) suivi par l’Afrique (25 %) puis l’Asie (22%). Parmi les pays qui exportent de façon massive,  on mentionnera :

  • en Amérique : le Mexique, la Colombie, la Jamaïque et le Canada dont le client principal sont les Etats-Unis
  • en Afrique : le Nigéria et l’Afrique du Sud
  • et en Asie : l’Inde, le Cambodge, les Philippines et la Thaïlande


Le haschich échangé à l’échelle mondiale est produit, pour les deux tiers, en Afrique du Nord (au Maroc surtout) et  aux Proche et Moyen-Orient. En 2006, 70 % du haschich distribué en Europe venait encore du Maroc cependant que les volumes de drogues en provenance du Pakistan et de l’Afghanistan sont aujourd’hui en augmentation. La plupart de cette drogue transite par l’Espagne et les Pays-Bas pour être convoyée ailleurs par bateau.
A ce trafic international s’ajoutent des échanges à l’échelle locale, chaque pays assurant notamment une partie de sa propre consommation.

En 2003, les volumes de cannabis (marijuana et haschich) échangés au niveau international ont rapporté à leurs producteurs près de 9 milliards d’euros. Leur trafic ont permis d’alimenter une vente au détail qui aurait généré près de 135 milliards d’euros, soit 44% du marché de la drogue.

Trafic et crime organisé

Le trafic de cannabis génère son lot de crimes et cela de différentes façons.
Au Canada, les producteurs de marijuana indépendants (non associé à un réseau) sont à la merci des gangs impliqués dans le commerce de drogue qui n’hésitent pas à faire des « descentes » pour mettre la main sur une production arrivée à maturité. L’activité des protagonistes étant illicite, ces agressions restent impunies.

Le commerce lui-même est générateur de violence et d’homicides.
Un exemple connu est celui du Mexique où la drogue majoritairement trafiquée est la marijuana. Les villes frontalières de Cuidad Juarez, Tijuana et Nogalez ouvrant le passage à cette dernière vers les Etats-Unis connaissent depuis les années 2000 une histoire sanglante marquée par une guerre sans merci entre les cartels de la drogue pour s’arroger les marchés. A leur solde, des milices armées et des tueurs à gages : 400 d’entre eux ont été arrêté entre 2000 et 2007. A cette guerre entre gangs s’ajoute la répression menée par les forces américaines et mexicaines de lutte anti-drogue.
Loin de l’image touristique véhiculée par ses plages tropicales, le Mexique connaît des attaques particulièrement violentes : mitraillages prolongés dont la population est un victime collatérale, enlèvements en masse d’officiers, corps retrouvés décapités,… des scènes qui sont documentés avec une précision douloureuse par le reporter Ion Grillo. Celui-ci rapporte qu’entre 2007 et 2010, « la guerre de la drogue a généré le chiffre ahurissant de 34000 morts dont 2200 policiers, […] un président de l’Assemblée et des douzaines d’agents fédéraux ».

Les autres pays ne sont pas épargnés. Les services anti-drogues suisses notent ainsi qu’aujourd’hui les tactiques et l’utilisation de la violence par les trafiquants de cannabis se rapprochent de plus en plus de celles usitées dans le trafic d’héroïne et de cocaïne, les réseaux criminels se battant pour le marché.

Observation de ces dernières années, les réseaux de cannabis sont désormais imbriqués avec ceux des autres drogues « dites dures ».


En Suisse, des groupes d’origine albanaise, connus pour leur grande propension à la violence et dominant le trafic local d’héroïne, sont impliqués dans le trafic de cannabis et de cocaïne. Ils entretiennent des liens avec la mafia italienne, mais aussi des groupes criminels d’origine serbe, bulgare et sud-américaine. Les trafiquants mexicains échangent, eux, de la cocaïne colombienne contre de la marijuana venant du Canada afin d’écouler cette dernière aux Etats-Unis. Les rapports de police américains stipulent encore que des prises de grandes quantités de marijuana sont effectuées lors d’opérations visant le trafic d’autres drogues.

Des flux financiers générant une économie souterraine considérable

Aujourd’hui, un chiffre –certes approximatif mais qui donne une idée des masses mises en jeu- semble faire consensus : l’argent attribuable au crime organisé avoisinerait les 500 milliards de dollars, soit 2% du PIB international.

La part attribuable au trafic de stupéfiants est certes inférieure, cependant des calculs indiquent que celle-ci sert à cautionner  près de 20% des activités criminelles à travers la planète.

S’il est peu rentable pour les dealers finaux, « flambant » leurs revenus illicites en produits de luxe, le trafic du cannabis permet aux semi-grossistes de réaliser suffisamment de profits pour envisager de faire appel à l’ingénierie financière afin de blanchir l’argent sale.

Lorsqu’elles ne sont pas trop importantes, les sommes d’argent blanchi le sont par des moyens « primitifs », à savoir des transferts de cash, des achats de véhicules ou de fonds de commerce (restaurants, laveries automatiques..), le jeu au casino ou l’achat d’or.
Lorsque les sommes avoisinent les centaines de milliers, voire des millions d’euros, les techniques de blanchiment utilisent des opérations financières complexes menées dans les places off shore ou paradis fiscaux permettant l’évasion fiscale. Les champs d’investissements privilégies sont l’immobilier et l’assurance.

En 2010, l’opération Shovel, illustre ces mécanismes. Menée simultanément en Espagne, en Irlande et en Grande-Bretagne, elle a permis d’arrêter un groupe de 38 criminels impliqué dans le trafic de cannabis et de cocaïne et qui utilisait près de 200 sociétés d’import-export pour faire circuler leur argent. L’essentiel était investi dans le secteur de l’immobilier (60 propriétés de luxe sur la côte espagnole Costa del Sol, six complexes touristiques et résidences au Brésil). Cependant d’autres secteurs étaient encore visés comme celui des énergies renouvelables, du recyclage et des activités de loisirs.

Ce recyclage de l’argent de la drogue dans l’économie légale se fait aux prix de dysfonctionnements majeurs et concourt à l’instabilité de l’économie mondiale. Ainsi, on sait aujourd’hui que les milliards de dollars engendrés par le trafic mondial de drogues ont joué un rôle non négligeable en 2008 dans l’aggravation de la spéculation immobilière dans des pays comme l’Espagne, l’Italie ou les Etats-Unis en alimentant les flux de liquidités déferlant sur ce secteur.  Ce sont ces mêmes liquidités qui, par ailleurs, ont permis de sauver cette année même de nombreuses banques de la crise financière.

Références

  • UNODC (2012), Cannabis market, dans World Drug Report 2012, 43-50.
  • Atha M & coll. (1999), Regular users II: UK drugs market analysis, purchasing patterns and prices 1997, Independent Drug Monitoring Unit Publication, Wigan.
  • Etienne Nouguez (2003), Réseaux, capital social et profit dans le deal de cannabis (Enquête), Terrains & travaux n°4, ENS. Cachan, 56-81.
  • Ben Lakhdar C. (2007), Le trafic du cannabis en France: estimations des gains des dealers afin d’apprécier le potentiel de blanchiment, OFDT, Paris.
  • Ted Leggett & Thomas Pietschmann (2008), Global cannabis cultivation and trafficking, dans: A cannabis reader: global issues and experiences, Monograph series 8, Volume 1, European Monitoring Center for Drugs and Drugs Addiction, Lisbon.
  • Canadian Broadcasting Corporation (CBC) et Goddard L., Aikenhead C. (2010), CannaBiz, The secret economy of Marijuana.
  • Moore S. (2009), Tougher border can’t stop Mexican marijuana cartels, The New York Times, 1er février.
  • Grillo I. (2012), El Narco. La montée sanglante des cartels mexicains, Buchet-Chastel, Paris, 358 pages..
  • Fournier A. (2012), Le business du cannabis, toujours plus sophistiqué et violent, Le Temps, 5 avril.
  • FEDPOL (2012), chapitre Stupéfiants, Rapport annuel 2011, ed. Fedpol.
  • UNODC (2011), Estimating illicit financial flows resulting from drugs trafficking and other transnational organized crimes, UNODC, Vienne.
  • Lalam N. (2011), Argent de la drogue : blanchiment et mondialisation financière, Drogues, enjeux internationaux n°2, OFDT, octobre 2011.

Auteur: Caroline Depecker