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Aides et conseils pour les consommateurs de cannabis et leur entourage

Les effets contradictoires des cannabinoïdes sur le système immunitaire

La prise de cannabis a des conséquences sur le système immunitaire très variées et parfois même contradictoires. Par précaution, vus les effets immunosuppresseurs et cancérigènes attribués au THC, il est conseillé d’éviter les espèces de cannabis avec une haute teneur en THC qui pourraient résulter plus dangereuses pour la santé humaine.

Les préjugés et les croyances à faveur ou contre le cannabis rendent la compréhension des effets de la marijuana sur le système immunitaire un des domaines scientifiques le plus controversé (1).

Il arrive aussi que l’usage médical soit, à tort, mis sur le même plan que la consommation « récréationnelle » du cannabis en créant débats et confusions quant à ses aspects négatifs et ceux potentiellement thérapeutiques (2).

Double aspect des phytocannabinoïdes sur les cellules du système immunitaire : toxiques ou bénéfiques ?

Le système immunitaire est en charge du maintien de la santé et de la défense de l’organisme lors d’intrusions de corps étrangers et pathogènes comme virus, bactéries ou  parasites. Son rôle si fondamental ainsi que sa nature composé de cellules (par exemple : lymphocytes, leucocytes, macrophages) qui circulent dans le corps entier à la recherche des envahisseurs, le rendent très finement régulé et par conséquent particulièrement difficile à étudier dans son ensemble.

Une grande partie des résultats dans ce domaine dérivent d’expériences menées in vitro ou in ex vivo en utilisant des cellules individuelles ou des tissus organiques. Lors de ce type d’étude les phytocannabinoïdes, composés biologiquement actifs qu’on trouve dans le cannabis, ont montré de pouvoir influencer le comportement des cellules du système immunitaire, plus particulièrement leur viabilité ainsi que la quantité de certaines molécules que ces cellules peuvent libérer pour défendre l’organisme, appelées cytokines (3).

Nombreuses études attribuent aux phytocannabinoïdes une action immunodépressive, ce qui signifie que ces composés diminuent les réactions de défense de l’organisme. Cependant, ne manquent pas les recherches qui contredisent ou critiquent ces résultats, en pointant du doigt par exemple la concentration de cannabinoïdes utilisés, qui est considérée excessive par rapport à celle effectivement adsorbée par les fumeurs (1) (2) (4).

Le progrès technologique a rendu possible des examens de plus en plus pointus même in vivo, c’est-à-dire directement chez les animaux ou les êtres humains. Ainsi les résultats des recherches épidémiologiques sur les actions d’une consommation sporadique ou régulière de la marijuana se multiplient et s’éclaircissent (3).

L’utilisation régulière de cannabis peut baisser les défenses immunitaires

L’effet immunodépresseur de l’usage de cannabis à des fins « récréationnels » a été reporté lors d’une enquête en 2003 chez seize consommateurs réguliers et treize utilisateurs occasionnels de cannabis. Plus particulièrement, il semble que la marijuana provoque une baisse du nombre des lymphocytes NK « natural killer » (en français « tueurs naturels ») (4).

Comme leur nom l’indique, le rôle de ces cellules est celui de tuer en quelques heures des cellules malades, tumorales ou infectées, tout en épargnant les autres cellules saines. Il semble aussi que le cannabis, même si consommé sporadiquement perturbe la libération des cytokines, les petites protéines qui contribuent activement à la défense de l’organisme (4).

Une des conséquences majeures de ce dérèglement est que les fumeurs de cannabis pourraient être plus susceptibles de développer des tumeurs ou des maladies infectieuses (4). Risque couru surtout par ceux qui consomment les cannabis contenant les plus hautes teneurs en THC (Δ9-tétrahydrocannabinol, le majeur composé psychoactif de la plante) (5) (6).

Le THC peut avoir des effets immunodépresseurs

Plusieurs recherches menées sur des cellules isolées, chez des animaux ou des êtres humains montrent que le THC affaiblit le système immunitaire en provocant aussi la destruction de certaines cellules dans le thymus et la rate, deux organes clés dans la production des cellules défenseures (6).

Cette baisse de la protection contre les infections peut être notamment grave chez les bébés. Plus particulièrement, des mères infectées par le SIDA, ou par d’autres troubles qui affaiblissent le système immunitaire, si elles consomment de la marijuana peuvent augmenter le risque que leur enfant contracte ces maladies (6).

De plus, des expériences chez la souris ont montré que le THC supprime les défenses immunitaires dans le cas par exemple d’une infection par la Légionella Pneumophila, une bactérie qui affecte les voies respiratoires (7).
Chez les êtres humains la consommation régulière de marijuana a été aussi corrélée avec une déformation des macrophages présents dans les alvéoles pulmonaires, ce qui provoque des déficiences dans les mécanismes de défense envers les pathogènes (8).

Le cannabidiol, le plus important constituant non-psychoactif du cannabis, peut contrebalancer les effets du THC

Un des remèdes pour ces importants disfonctionnements semble se trouver dans le cannabis même: il s’agit du cannabidiol, le plus important constituant non-psychoactif de la plante.
 
Une étude récente vient de montrer que des souris atteintes de maladies pulmonaires peuvent être traitées efficacement avec du cannabidiol, connu déjà depuis plusieurs années pour ces propriétés anti-inflammatoires et anti-auto-immunes, mais aussi neuro-protectrices, analgésiques, anxiolytiques, antipsychotiques et anticanceureses (10) (11).

Puisque le cannabidiol ne présente pas d’effet secondaire connu à ce jour, son application thérapeutique est de grand intérêt. Il est néanmoins important de remarquer qu’une des difficultés majeure rencontrée est celle de réussir à déterminer le bon dosage à utiliser. D’après les recherches sur ce composé, il apparait que le cannabidiol exerce une régulation très fine et complexe du système immunitaire, ce qui demande des recherches supplémentaires pour pouvoir administrer la quantité appropriée à fin d’obtenir l’effet thérapeutique désiré (11) (12).

Les phytocannabinoïdes : cancérigènes ou anti-cancérigène ?

Les dérèglements du système immunitaire peuvent amener à plusieurs pathologies dont le développement de cellules cancéreuses. Plusieurs études mettent en évidence une corrélation avec la consommation de marijuana et la mutation des cellules de l’épithélium bronchiale en cellules cancéreuses. Le THC semble être un facteur de risque important car il détériore les protections naturelles contre les tumeurs (8) (9).

Toutefois, d’autres études reportent un effet anti-cancérogène des cannabinoïdes. Lorsque le THC est appliqué directement sur certaines tumeurs in vitro ou administré à des souris modifiées génétiquement dans le but de produire plus de métastases, il induit une réduction des cancers (13).

Ces données, en apparence contradictoires, peuvent être expliquées, d’une part par la complexité du système endocannabinoïde (l’ensemble de molécules fabriquées au besoin par l’organisme et qui peuvent être aussi modulées par les phytocannabinoïdes contenus dans le cannabis), et d’autre part par la grande variété de types de cancer (13).

Le système endocannabinoïde joue un rôle important aussi dans la neuro-protection

Les cellules du système immunitaire ne vont pas dans le cerveau. Les défenses de cet organe sont ainsi assurées par les cellules qui le composent : les neurones et les cellules gliales. Le système endocannabinoïde, par contre, est présent aussi dans le cerveau. Plusieurs lignes d’évidence prouvent que les cannabinoïdes, que ce soit les phytocannabinoïdes contenus dans le cannabis, ou les endocannabinoïdes produits par notre organisme, jouent un rôle fondamental dans la modulation de l’inflammation et de la protection cellulaire aussi au niveau cérébral (14).

Plus particulièrement, des études récentes ont mis en évidence un rôle neuro-protecteur joué par le système endocannabinoïde dans les cas de traumatismes aigus, tel que les ictus et l’épilepsie, et dans ceux des maladies chroniques neuro-dégénératives comme les maladies de Parkinson, de Huntington, la sclérose en plaque et Alzheimer (14).

Nombreuses recherches sont en train d’éclaircir les mécanismes d’action des endocannabinoïdes et des phytocannabinoïdes en tant que neuro-protecteurs. Cependant, selon le type d’expérience menée, les résultats sont, aussi dans ce domaine, assez contradictoires. Par exemple, selon les doses utilisées, le THC peut avoir une action neuro-protectrice ou neurotoxique (15).

En conclusion, il est clair que les cannabinoïdes (phytocannabinoïdes et endocannabinoïdes) ont la capacité de moduler le système de défense de notre organisme. La consommation de cannabis que ce soit à usage « récréationnelle » ou médical peut donc avoir des conséquences importantes sur la santé. Même si certains mécanismes moléculaires à la base de tous ces effets ont été éclaircis, il en reste encore beaucoup à comprendre, voire carrément à découvrir (13).

Références

1. Marijuana and Immunity. Hollister LE. Journal of Psychoactive Drugs. 1992. 24, 159-163
2. Adverse effects of cannabis. Hall W, Solowij N. The Lancet. 1998. 352:1611-6. Review.
3. Modulation of immune system in cannabis users. Pacifici R, Zuccaro P, Pichini S, Roset PN, Poudevida S, Farré M, Segura J, De la Torre R. JAMA. 2003. 289:1929-31.
4. Cannabis and immunity. Friedman H. ADVANCES IN THE BIOSCIENCES. 1991.
5. Marijuana effects on immunity: suppression of human natural killer cell activity by delta-9-tetrahydrocannabinol. Specter SC, Klein TW, Newton C, Mondragon M, Widen R, Friedman H. Int J Immunopharmacol. 1986.8:741-5.
6. Perinatal Exposure to 9-Tetrahydrocannabinol Triggers Profound Defects in T cell Differentiation and Function in Fetal and Postnatal Stages of Life, Including Decreased Responsiveness to HIV Antigens. Lombard C, Hegde VL, Nagarkatti M, Nagarkatti PS. J Pharmacol Exp Ther. 2011. 339:607-17. Epub 2011 Aug 10.
7. D9-Tetrahydrocannabinol Treatment Suppresses Immunity and Early IFN-g, IL-12, and IL-12 Receptor b2 Responses to Legionella pneumophila Infection1. Klein TW, Newton CA, Nakachi N, Friedman H. J Immunol. 2000. 15:6461-6.
8. Respiratory and immunologic consequences of marijuana smoking. Tashkin DP, Baldwin GC, Sarafian T, Dubinett S, Roth MD. J Clin Pharmacol. 2002. 42:71S-81S.
9. Δ-9-Tetrahydrocannabinol inhibits antitumor immunity by a CB2 receptor-mediated, cytokine-dependent pathway. Zhu LX, Sharma S, Stolina M, Gardner B, Roth MD, Tashkin DP, Dubinett SM. J Immunol. 2000. 165:373-80.
10. Cannabidiol, a non-psychotropic plant-derived cannabinoid, decreases inflammation in a murine model of acute lung injury: role for the adenosine A(2A) receptor. Ribeiro A, Ferraz-de-Paula V, Pinheiro ML, Vitoretti LB, Mariano-Souza DP, Quinteiro-Filho WM, Akamine AT, Almeida VI, Quevedo J, Dal-Pizzol F, Hallak JE, Zuardi AW, Crippa JA, Palermo-Neto J. Eur J Pharmacol. 2012. 678:78-85. Epub 2012 Jan 12. …
11. Cannabidiol-induced lymphopenia does not involve NKT and NK cells. Ignatowska-Jankowska B, Jankowski M, Glac W, Swiergel AH. J Physiol Pharmacol. 2009. 3:99-103.
12. Multiple mechanisms involved in the large-spectrum therapeutic potential of cannabidiol in psychiatric disorders. Campos AC, Moreira FA, Gomes FV, Del Bel EA, Guimarães FS. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 2012. 367:3364-78.
13. The endocannabinoid system and cancer: therapeutic implication. Guindon J, Hohmann AG. Br J Pharmacol. 2011. 163:1447-63. Review.
14. 6. The Endocannabinoid System as an Emerging Target of Pharmacotherapy. Pacher P., Bátkai S., Kunos G. Pharmacological Reviews. 2006. 58: 389-462
15. The dual neuroprotective-neurotoxic profile of cannabinoid drugs. Sarne Y, Asaf F, Fishbein M, Gafni M, Keren O. Br J Pharmacol. 2011. 163:1391-401.

 

Auteur: Lia Rosso / décembre 2012